[Écrit par Daniel Gil Solés; traduit par Nuria M. Riera]
D’un pas décidé, le futur des bibliothèques sans livres fait son chemin. De plus en plus présente, cette bibliothèque n’est plus une fiction. Et pour illustrer une tendance qui me paraît plutôt inquiétante, j’emprunte le titre de la nouvelle de Philip K. Dick écrite en 1968, un piège dans lequel nous pouvons tomber bêtement si nous ne faisons pas les choses dans le calme. Dans cette réflexion qui nous occupe, il n’y a pas d’androïdes mais des bibliothèques : des bibliothèques qui ne rêvent pas de moutons virtuels mais qui courent le risque de rêver de pommes numériques. J’explique plus précisément cette idée.
Dans la localité de Bexar County, dans l’état du Texas (USA), on a développé un nouveau projet, Biblio Tech, qui aboutira à la création de la première bibliothèque publique sans livres de tout le pays. Jusque là, il n’ya pas de souci et c’est même plausible : les américains sont toujours à l’avant-garde et nous montrent les chemins du futur. Cela dit, en lisant bien les différentes informations que l’on peut trouver sur internet, comme celle publiée dans Dezeen, la vision de l’affaire change. Nelson Wolff, un des moteurs de l’initiative, affirme “If you want to get an idea what it looks like, go into an Apple store“… et c’est ici que je commence à avoir de sueurs froides.
Un moyen et pas un objectif en lui même
Si nous envisageons les futures bibliothèques sans livres comme des simples salles avec des ordinateurs, froides et impersonnelles dans lesquelles la machine prédomine sur les personnes, nous serons en train de tomber dans une grave erreur conceptuelle et de modèle. Et je pense qu’à Bexar County ils vont tomber dans cette erreur. Les bibliothèques sont faites de personnes et laisser que le centre de gravité de tout le projet bibliothécaire tourne au tour de l’ordinateur (ou de la tablette ou de l’e-reader) ce n’est pas comprendre ce que sont les bibliothèques et l’utilisation que nous en faisons en tant que personnes. Tomber dans une vision excessivement technologique, dans le monde actuel, est relativement simple si on ne fait pas attention. Et avoir comme référent les Apple Store, c’est tomber dans une naïveté d’adolescent, technologique et romantique. Les magasins d’Apple sont sans doute très forts dans le domaine du desing d’intérieur, de la conception d’espaces et de l’utilisation des TICE dans ces espaces ; mais on ne peut en aucun cas comparer ces espaces-là, à ceux des bibliothèques, dans le sens où dans celles-ci on y développe des activités qui ne pourraient jamais avoir lieu dans un Apple Store.
La technologie dans les bibliothèques sans livres ne doit pas être un objectif en lui-même, per se. La technologie ne doit pas remplir les espaces vides des bibliothèques du futur, mais doit.